lundi 24 janvier 2022

Critique du livre Rilke l'Andalou par Pierre Turcotte

 Rilke l’Andalou de Évelyne Abitbol

par Pierre Turcotte
Rilke l’Andalou. Le titre est trompeur. On s’attend à un essai historique sur le passage de l’illustre poète dans cette ville de l’Andalousie connue des touristes qu’est Ronda. Déjà, une première surprise avant même d’ouvrir le livre : Rainer Maria Rilke a donc vécu un temps en Andalousie ? Non pas que cela nous étonne qu’il puisse avoir été charmé par la ville de Ronda et ses beautés, nous l’avons tous été, qui avons eu la chance de la visiter, mais plutôt qu’on n’en ait pas entendu parler avant. Bref, on a le livre dans les mains et on s’apprête à plonger dans un essai socio-historique qu’on espère passionnant. Or, c’est tout autre chose qui nous attend.

Montage éphémère : la sculpture de Rainer Maria Rilke à Ronda dans les jardins de l'hôtel Reina Victoria. À la fin du livre, l'inscription qui repose près de la sculpture y est reproduite. 

Il s’agit en fait d’un récit autobiographique racontant avec beaucoup de sentiment et d’érudition une rencontre tout à fait spéciale, comme on les aime quand elles nous arrivent : une journée de discussion passionnée entre trois interlocuteurs que le hasard a fait se rencontrer, à un moment charnière de la vie de chacun, et qui fait s’entrechoquer leur quête identitaire respective. Bon, pas totalement autobiographique, car un personnage est inventé, mais l’auteure s’y dévoile largement au fil des pages et nous fait connaître ses origines et ses pensées profondes.


La temporalité est ici respectée, mais entrecoupée de sauts dans l’espace et dans le temps sur les traces de Rainer Maria Rilke, Lou Andreas-Salomé, Nietzsche, Cézanne, Rodin, Freud, et d’autres. Si on devait assimiler ce récit à un instrument de musique, je dirais volontiers l’accordéon, par l’action du soufflet qui tire et pousse, écartant constamment les pans de la temporalité, sauts dans le passé et retours du dialogue dans le présent de la narration, comme si les années se trouvaient emmêlées et l’espace fluide. Une musique, inévitablement, s’en dégage. On est à Ronda, mais aussi à Séville, à Cordoue, à Paris, à Vienne, au Moyen-Orient, au Québec… Dans tous ces lieux, des êtres sont convoqués, cités, admirés. Les personnalités déjà citées, des amis, des collègues d’une vie de labeur et d’engagement politique, mais, surtout, la famille, les ancêtres et les traces qu’ils ont laissées, bien malgré eux, en exil, en exode, sans se douter qu’un jour, tôt ou tard, une descendante en saisirait le prétexte pour essayer de remonter la temporalité identitaire. On n’est nulle part et partout à la fois : le récit sert de prétexte à cerner le monde en soi, y dénicher sa place, celle de ses ancêtres, sa culture et ses questionnements. Se comprendre soi-même, pour ceux qui y parviennent, devient l’exploit d’une vie.

 

















Le bureau, la bibliothèque et le manteau de la cheminée de la chambre 208 sont reproduits dans le lobby de l'Hôtel Catalonia Reina Victoria à Ronda.

Chaque personnage apporte sa propre dimension, que l’auteure tente d’assimiler et d’intégrer à la sienne propre. La présence de Rilke sert de catalyseur et de passage entre eux. Un prétexte, en somme. Mais, quel prétexte ! On a le plaisir de lire plusieurs de ses poèmes, parfois mystiques (la convocation des anges…), et qui scrutent souvent l’âme inquiète, tout au long du récit.

Rilke l’Andalou, d’accord, mais ne s’agit-il pas plutôt d’Évelyne Abitbol l’Andalouse d’adoption ? L’auteure se dévoile et révèle des pans secrets de sa vie, sa nature profonde, son étonnante érudition. Elle aussi, comme Werther (on pense aux Souffrances du jeune Werther de Goethe), comme Rainer (encore sollicité par un jeune poète), comme Lou (le modèle tant admiré), a vécu une vie d’errance, cherchant sans cesse des attaches qui ne parviennent jamais vraiment à l’attacher. Trouver son essence dans la fuite en avant n’est pas chose facile, mais certes enrichissante. Rien de plus plat et morne que le suffisant qui croit savoir tout de lui-même et ne se pose aucune question. Nous sommes loin de cela avec Évelyne Abitbol qui se livre sans fard.


Devant l'Hôtel Catalonia Reina Victoria - Ronda

Mais, au-delà du prétexte identitaire, littéraire et philosophique, le récit raconte l’histoire d’une séduction momentanée, de ces séductions improbables qui nous guettent au détour d’une rue, à l’ouverture d’une place ou auprès d’une fontaine, et qui nous remettent en question, l’espace d’un jour, comme si une chance nous était offerte de revivre les passions irraisonnées de la jeunesse. Me séduit-il, l’ai-je charmé ? Pourquoi me regarde-t-il ainsi, est-ce à moi que s’adresse ce sourire et cette remarque allusive ? On se demande tout au long du récit si la narratrice va céder à la tentation – dirais-je à la gourmandise ? – de jouer à l’initiatrice avec ce jeune poète plus impressionnable que sûr de lui. Ou, mieux, de vivre une folie pour elle-même tandis qu’il en est encore temps et que les chances, elle le sait, iront en s’amenuisant avec le temps, ce cruel sablier dans lequel le sable ne remonte jamais à moins de tout renverser. Mais je ne dévoilerai pas ici ce mystère.

Lisez ce livre si vous avez envie d’évasion, même si on ne s’évade d’aucune prison. Lisez ce livre si vous aimez l’Andalousie, même si vous devez parcourir le monde par l’itinérance des poètes déracinés. Lisez ce livre si vous aimez Rainer Maria Rilke, même si vous croyez tout connaître de lui.

Née en Afrique du Nord, au Maroc, journaliste, Évelyne Abitbol a vécu la majeure partie de sa vie au Québec où elle a consacré une grande partie de sa carrière au dialogue des cultures et des civilisations. Elle a travaillé au sein d'organisations internationales et nationales à la défense des droits humains et de la démocratie. Elle est la cofondatrice de la Fondation Raif Badawi pour la liberté (FRBL).

Elle partage maintenant sa vie entre l'Andalousie et le Québec.

Le livre est illustré par l'aquarelliste andalou Salvador Chica Jimenez, né à Ronda. Il peint depuis l'enfance mais a découvert l'aquarelle adulte. Il aime la transparence que procure l'aquarelle. D'une couleur, dit-il, on peut dériver vers plusieurs tons. Ce sont comme des cristaux de couleurs sur fond blanc.

Rilke l’Andalou, disponible chez Renaud-Bray et Archambault. Aussi en commande sur Amazon et à la librairia Dumas, Calle Jerez 8, Ronda - Andalousie
ABITBOL, Évelyne. Rilke l’Andalou. Montréal : Éditions Dialogue Nord-Sud, 2021, 171 p.
Málaga, 23 décembre 2021
Poète, auteur de :
FINESSE DU SABLE, poèmes en prose, Éditions Takaba.
TOTEM SALUTAIRE (Prix du Jury Youve France 2021), poésie, Éditions Mikanda.
CALME BRÛLANT, poésie, Pierre Turcotte Éditeur.

#pierreturcotte #critique #rilkelandalou #evelyneabitbol
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samedi 15 janvier 2022

Critique de "Un Québécois à Mexico : récit d'un double choc culturel"


Ce n’est pas le premier livre que je lis signé par Jérôme Blanchet-Gravel. En fait, je les ai tous lus puisque les sujets que le journaliste - essayiste y abordent sont mes sujets de prédilection et faisaient partie prenante de mon travail professionnel.

J’abordais donc la lecture d’un Québécois à Mexico, comme pour ses autres livres, par ailleurs, de manière un peu désinvolte mais avec tout de même une attente particulière pour celui-ci, interpellée par le sous-titre : Récit d’un double choc culturel. J’ai donc attendu d’être sur le vieux-continent, en Andalousie (Espagne), où je vis mon triple choc culturel pour en aborder la lecture.

Plus qu’un livre sur le « pays de la Nouvelle Espagne », le Mexique, Jérôme Blanchet-Gravel crée une fresque mosaïque de ses découvertes au « pays des morts », avec des allers et retours vers la modernité occidentale pas si avant-gardiste que cela malgré sa prétention.

Ce « pays des morts » est en fait un pays des biens-vivants, écartelé entre tradition et modernité en comparaison avec le Québec et l’occident qui ont fini par l’étouffer et qui, d’après l’auteur, nage en pleine régression humaine.

« Il faut quitter la sphère de l’habitude pour expérimenter sa propre étrangeté… toute personne qui en a les moyens devrait se payer une fois dans sa vie le luxe de cette extrospection ».

Texte publié dans le Petit Journal - Section Internationale - Mexico et Montréal

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jeudi 2 décembre 2021

Mon livre Rilke l'Andalou et vos commentaires

 À tous ceux qui m'ont témoigné leur amitié depuis le lancement de mon livre. Je vous suis très reconnaissante. 

Comme me l'a mentionné mon éditeur, tu reconnaîtras maintenant qui sont les gens qui t'aiment et ceux qui te considèrent véritablement comme leur amie.  

Ils se sont tous manifestés. Merci! 

Aussi je vous offre de vous prononcer et d'ajouter votre critique ici. 

Je vous promets de répondre à chacun de vos commentaires plus bas sur cette page, après lecture du livre.

Il y a eu cette entrevue avec Le Petit Journal - Andalousie 

Ce coup de coeur de Odile Tremblay dans le Devoir - Sur les pas de Rilke 


Ce livre voyagera bientôt en Europe. 
Il sera disponible à Ronda, Benalmadena, Mijas, Fuengirola, Malaga. 



Disponible chez Renaud Bray Malheureusement pas disponible en succursale

Disponible chez Archambault Malheureusement pas disponible en succursale 




mardi 23 novembre 2021

Critique sur facebook de Sylvie Bergeron,

 Rilke, l’Andalou. vu par Sylvie Bergeron, professeur de psychologie évolutionnaire, présidente de ConneXion-U.

C’est le titre du nouveau livre de mon amie Évelyne Abitbol. Wow.

J’inventerais un nouveau genre : la biographie analogique.

Aux confluents de 3 religions et cultures, l’autrice a sa manière bien à elle de raconter son admiration pour le grand poète Rainer Maria Rilke, avec deux complices : son alter ego - poète fortuitement rencontré et son compagnon du versant platonique, Chica - le peintre qui nous guide dans sa ville natale, celle-là même où Rilke chercha l’inspiration.

La narratrice nous plonge dans une poésie spirituelle de famille similaire aux récits de Paul Coelho. Mais avec en plus l’amour prégnant de l’autrice pour la littérature et la judéité.

Ce qui nous situe au cœur de l’universel et des humanités avec, à l’appui, de nombreux vers ou strophes de grands auteurs qui ont réfléchi bien profond, parfois des siècles avant nous.
Cette quête Sefarad - celle de Rilke et de l’autrice - m’a touchée au plus creux de mon universalité, faite du bois humaniste.
Conjurer la mélancolie juive grâce à la littérature, traverser Ronda avec pour toute embarcation la beauté des aquarelles remarquables de son ami peintre, c’est un pur délice.

Mais aussi, une refuge pour la mémoire littéraire d’une époque expressionniste et surréaliste où toutes les libertés étaient encore permises. J’ai failli devenir nostalgique, mais grâce à une figue, je n’ai pas sombré 😉

Le petit journal - Andalousie

 Evelyne Abitbol nous parle de sa nouvelle fiction “Rilke l’Andalou”

Par Bernard Frontero | Publié le 23/11/2021 à 16:10 | Mis à jour le 23/11/2021 à 16:10
Photo : L’auteure près de la statue de bronze de Rainer María Rilke á l’hôtel Catalonia Reina Victoria de Ronda



Née en Afrique du Nord, au Maroc, journaliste, Evelyne Abitbol a vécu la majeure partie de sa vie au Québec où elle a consacré une grande partie de sa carrière au dialogue des cultures et des civilisations et travaillé au sein d’organisations internationales et nationales à la défense des droits humains et de la démocratie. Elle partage maintenant sa vie entre l’Andalousie et le Québec.

LePetitJournal.com s’est entretenu avec elle à la suite de la parution de son dernier ouvrage qui parle du passage, en 1912, de Rainer Maria Rilke à l'hôtel Catalonia Reina Victoria de Ronda… un livre idéal pour les amoureux de l’Andalousie. 

 

Parlez-nous de votre dernier ouvrage, Evelyne Abitbol, de votre amour pour la région de l’Andalousie

J'ai été toute ma vie irrésistiblement attirée par l'Andalousie de par mes origines séfarades

LePetitJournal.com s’est entretenu avec elle à la suite de la parution de son dernier ouvrage qui parle du passage, en 1912, de Rainer Maria Rilke à l'hôtel Catalonia Reina Victoria de Ronda… un livre idéal pour les amoureux de l’Andalousie. 

 

Parlez-nous de votre dernier ouvrage, Evelyne Abitbol, de votre amour pour la région de l’Andalousie

J'ai été toute ma vie irrésistiblement attirée par l'Andalousie de par mes origines séfarades

Evelyne Abitbol: C’est Salvador Chica Jimenez, l'illustrateur du livre, un andalou fier de son coin de pays qui m'a transmis son amour inconditionnel pour l'Andalousie et sa fierté d'être né à Ronda. Je l'ai découvert par ses cartes postales et affiches-posters de peintures aquarelles qu’il vend dans les boutiques pour touristes de Mijas, Marbella, Benalmadena, Arroyo de la Miel, Torremolinos, Fuengirola, jusqu’à la boutique qui fait face au musée Picasso de Malaga. Et, pour ma part, j'ai été toute ma vie irrésistiblement attirée par l'Andalousie de par mes origines séfarades puisque mes aïeuls ont dû y vivre et la quitter pour se rendre en Afrique du Nord. 

Salvador Chica Jimenez Rilke l’Andalou

     Vue du tajo de l'Hôtel Reina Victoria.

Quels sont les liens entre l’Andalousie et ce grand auteur qu’est Rilke, certainement le poète le plus important du 20e siècle

Effectivement, Rilke est l'incarnation même de la poésie!

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samedi 20 novembre 2021

Rilke, l'Andalou

Mardi 16 novembre 2021 a eu lieu le lancement de mon nouveau roman :





Début de la préface de Michel Duchesne:

Pourquoi mettons-nous tant de temps à trouver la paix ? 
La paix avec les origines, bien sûr, mais plus difficile à atteindre encore, ce calme intérieur d’être enfin arrivé à soi. Dans ce roman d’éveil philosophique, Évelyne Abitbol nous entraîne à cet achèvement. 
Par cette intrigante rencontre de trois êtres au cœur de Ronda, l’autrice interpelle les trois religions l’ayant constituée avant de naître à elle-même. Que voilà joyeusement présenté une toute autre trinité ! Un récit tout en rondeurs lovée entre deux vallons. Dans ce Ronda mythique, qui interpella aussi Orson Welles et Ernest Hemingway, l’autrice explore via Rainer Maria Wilke l’importance de ralentir pour enfin s’entendre rêver.  « Je fais tous les jours des progrès quoique lentement » - écrivait Cézanne à Rilke, éclairé ici par dame Abitbol avec une érudition époustouflante...


Mon livre est le coup de cœur d'Odile Tremblay dans le journal Le Devoir ce matin. Un honneur, connaissant l'érudition de la journaliste :

Odile Tremblay


 
 

Sur les pas de Rilke

Dans la magnifique ville andalouse de Ronda, marchant sur les pas du poète Rainer Maria Rilke qui y vécut un siècle plus tôt, la Québécoise d’origine marocaine Évelyne Abitbol fait davantage qu’un pèlerinage. Aux côtés du peintre Salvador Chica Jimenez (qui illustre son ouvrage de belles aquarelles) et d’un jeune et troublant poète romantique, elle cherche, dans Rilke l’Andalou publié au Dialogue Nord Sud, ses propres racines séfarades, évoque avec fougue ses passions littéraires et son passé. Se profile aussi la muse de Rilke, la libre et brillante Lou Andreas Salomé

https://www.ledevoir.com/culture/648399/sortir-du-trou?fbclid=IwAR3GsSdqw_xxdzpiJlhj9j5GzUTP4iRJMm_ipEHwm6igtWyzFEhWgDdqw4M


Je serai au salon du livre de Montréal au Kiosque du Centre culturel marocain.

Disponible pour l'instant ici. Il sera en librairie le 27 novembre 2021 :

Numérilab :

https://numerilab.store/products/rilke



dimanche 24 octobre 2021

Le Rêve interdit de Lahcen Zinoun


Par Évelyne Abitbol

Lorsque l’on entre dans le Rêve Interdit, celui qui a marqué au fer rouge le monde de Lahcen Zinoun, impossible de détourner le regard ailleurs. 

Photo : Anthony Dehez https://anthony-dehez.be

Cette autobiographie est une plongée vertigineuse dans la mémoire et les impressions les plus enfouies de l’artiste. Celle où la beauté côtoie l’inhospitalité. 

Nous suivons Lahcen Zinoun pas à pas en faisant au passage des pas de deux avec lui, avec son épouse Michèle, ses enfants Jaïs et Chems-Eddine – notre adoré disparu que j’ai eu la grande chance de connaître. 

Nous entrons alors dans les méandres d’un univers hostile à l’art et à la danse.

Cet univers hostile, Lahcen Zinoun l’a côtoyé au Maroc, lui a fait face parfois au péril de sa vie en tentant de briser tous les murs qui se dressaient devant et malgré lui.

Lire la suite sur le site de Atlas Media