« Un peuple qui a donné au monde le livre le plus sacré et le plus précieux de tous les temps n’a pas besoin de se défendre quand on le décrète inférieur et n’a pas besoin de se vanter de tout ce qu’il a produit inlassablement dans tous les domaines de l’art, de la science, des actes de la pensée : tout cela est inscrit, on ne peut l’effacer de l’histoire de ce pays dans lequel nous étions chez nous. »
— Stefan
Zweig, Lettre à Max Brod
Depuis de nombreuses années, les deux livres et biographies d’auteurs que je transporte et relis dans les moments dits difficiles du conflit israélo-palestinien : Si c’est un homme (Se Questo è un Uomo) de Primo Levi et La Pitié dangereuse de Stefan Zweig…
Ces
deux auteurs ont une chose en commun : ils se sont tous deux suicidés, pas pour les mêmes raisons par ailleurs... après avoir produit des chefs-d’œuvre de la littérature et de la philosophie...
L’un, Zweig, en 1942 dans la détresse et sans apprendre la fin de la Seconde guerre
mondiale et l’autre, Levi, en 1987 dans des conditions nébuleuses. Certains ont des
doutes sur sa mort accidentelle : chute dans un escalier.
J’écris volontairement seconde et
non deuxième en espérant du plus profond de mon âme que la révolte actuelle des
populations dans le monde, ne se transforme pas en une troisième guerre
mondiale.
Si je relis ces deux biographies et leurs œuvres, c’est que je crois qu’ils contiennent à eux seuls tout ce qui pourrait être transposé de réflexion par les médias qui couvrent et analysent quotidiennement la position d’Israël et des Juifs dans la région poudrière du Proche ou Moyen-Orient: conflit est-ouest, nord-sud, religion - laïcité, juifs-musulmans, riches - pauvres, etc.
Ils
contiennent aussi à eux seuls des mots et des maux lourds de sens qui
empêcheraient certains antisémites ou racistes inconditionnels de porter plus
loin leur réflexion primaire pour ne pas dire de primates.
Ce
qui frappe chez ces deux auteurs c’est la question d’identité territoriale, bien
ancrée, qui se croyaient à l’abri des atrocités de la seconde guerre mondiale,
bien que juifs, dans leurs pays respectifs : l’Autriche et l’Italie.
Zweig
était autrichien : mieux viennois. Levi était italien, mieux turinois.
Zweig,
bien aristocrate et peu considéré, ni comme un intellectuel ni comme un esthète,
par ses pairs, et par les bien-pensants qui ne lui pardonnaient pas sa fortune
personnelle et la faveur populaire, alors que grand humaniste.
Honteux,
désespéré et n’entrevoyant pas de solution sur le carnage des hommes et des
femmes et de la condition des Juifs en Europe, Zweig finit sa vie au Brésil où il s’est réfugié avec sa
femme Lotte.
Tous
deux se sont suicidés le 22 février 1942 à Petrópolis au Brésil.
« Il y a deux sortes de
pitié. L’une, molle et sentimentale, qui n’est en réalité que l’impatience du
cœur à se débarrasser au plus vite de la pénible émotion qui vous étreint
devant la souffrance d’autrui, cette pitié qui n’est pas du tout la compassion,
mais un mouvement instinctif de défense de l’âme contre la souffrance
étrangère. Et l’autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais
créatrice, qui sait ce qu’elle veut et est décidée à persévérer avec patience
et tolérance jusqu’à l’extrême limite de ses forces, et même au-delà. »
Stefan
Zweig in La Pitié Dangereuse, Romans et nouvelles, éditions Pochotèque, page
1002
Primo
Levi est un des célèbres survivants de la Shoah.
Ce
poème qui figure en préface de « Si c’est un homme » contient le
poids de la détresse et de l’affirmation de la vie au-delà des difficultés, atrocités
et autres injustices, violence et guerres organisées ou non.
Le
livre a vu le jour après que Primo Levi ait rédigé, en 1945, un rapport
technique pour les alliés sur le fonctionnement du camp d’extermination d'Auschwitz.
SI C'EST UN HOMME – (Se Questo è un Uomo)
Bien
au chaud dans vos maisons,
Vous
qui trouvez le soir en rentrant
La
table mise et des visages amis,
Considérez
si c'est un homme
Que
celui qui peine dans la boue,
Qui
ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui
meurt pour un oui pour un non.
Considérez
si c'est une femme
Que
celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et
jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez
pas que cela fut,
Son, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Son, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y
chez vous, dans la rue,
En
vous couchant, en vous levant;
Répétez-les
à vos enfants.
Ou
que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
Ces
deux auteurs et ces deux extraits portent en eux le poids de l’agonie du monde.
Et
lorsqu'on les relit, on ne peut que nuancer nos propos sur les Juifs ou autres
peuples ostracisés, palestinien, syrien, iranien...
Et lorsque l’on relit leurs chefs d’œuvres/testament
cadeau à l’humanité, on comprend les communautés juives vivants dans tous les pays du monde hors Israël.
Celles
qui hésitent à s’intégrer et préfèrent jouir de la protection du clan.
Le
clan! En faire ou ne pas en faire partie : que l’on s’appelle parti
politique ou mouvement philosophie droite/gauche : est-ouest, nord-sud.
Il est vrai qu'il n'existe pas encore de partis politiques dits "humanistes".
Si les républiques remplissaient bien leurs rôles...
Si les républiques remplissaient bien leurs rôles...
Il
y a un clan auquel les hommes et les femmes devraient commencer à songer à
adhérer. C’est celui de l’humanisme sans compromis.
Ce clan va bien au-delà de l’individu et imprègne ceux qui y adhèrent d’un bien-être infini.
Ce clan va bien au-delà de l’individu et imprègne ceux qui y adhèrent d’un bien-être infini.
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