dimanche 26 août 2012

SABLES ÉMOUVANTS [i] EN ATTENDANT GODOT




Pour une illustration impressionnante du Clash des cultures, revoir Babel le film. 

Djemila Benhabib a fait le saut en politique au Québec. Elle y réside depuis plus d’une dizaine d’années et s’est éprise de l’accueil de ce magnifique peuple tissé de souche et de sa culture d’ouverture.

Je ne me suis pas exprimée lors la polémique sur la croix et la laïcité, débutée il y a quelques semaines.  Alors que le maire Tremblay du Saguenay mettait certains Québécois dans l’embarras tandis que d’autres saluaient son courage.

C’est dire que la culture québécoise n’est pas homogène. 


  • Voir plus bas... Rectification à ce texte au mois d'août 2013. Je mentionnais dans ce texte qu'il ne fallait pas décrocher le crucifix de l'Assemblée nationale. Ignorance de ma part. J'imaginais sans en avoir fait la recherche que le crucifix était une relique de la première assemblée politique du Québec. J'ignorais que Maurice Duplessis l'y avait fait installer... ce qui change la donne.
  • Ôtez ce crucifix que je ne saurais voir! Oubliez le paragraphe dans lequel je dis qu'il faut le garder... dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. 

Je félicite Djemila Benhabib pour ses courages, entre autres, celui de tenir tête aux religieux islamistes radicaux. 

Je reviendrais sur cet incident plus loin.

Je voudrais réfléchir et partager avec vous une rencontre qui a définitivement forgée ma conscience de la présence de l’autre dans ses différences : celle de la Fondation de las Très Culturas à Séville, à laquelle je participais sur l’invitation du roi du Maroc, Mohamed VI, à représenter mon pays d’origine, le Maroc et mon pays d’adoption, le Canada, lors d'un débat sur l'Image et l'Écrit - dans les médias couvrant l'espace méditerranéen. 

 Régis Debray, philosophe et écrivain, dans son discours inaugural faisait l’état des lieux du dialogue des cultures des trois religions monothéistes :
«le Dialogue des cultures n’est pas … ni pas un champ de décombres, ce qui supposerait des constructions préalables. Plutôt des sables mouvants [ii], d’où rien ne sort, où tout s’enlise. »
C’était en 2007. En relisant les notes de cette rencontre, j’ai retrouvé les réflexions de M. Debray quant à l’expression « Dialogue des cultures ». 


Site web de Régis Debray    

 M. Debray avait établi un rapport entre les mots culture et technique. Car il s’agit bien de cela. Une technique. Nous habitons une culture et non une technique avait-il longuement expliqué.
« … Il y a trois mille langues parlées dans le monde… seulement trois écartements de rail pour les voies ferrées, deux voltages électriques pour nos appareils, et une seule Organisation de l’aviation Civile internationale (OACI) téléguidant dans un même code technique, l’anglais, tous les aéronefs. »
Si bien que sa conclusion, si je ne déforme pas sa pensée, à partir de mes notes éparses prises lors de la rencontre, UNE TECHNIQUE EST UNIVERSABLE PAS UNE CULTURE!

Il y a 150 définitions du mot culture qui se situe par étymologie entre Agriculture et culte. Danger d’utilisation car sujet à des définitions diverses avec, pour conséquence, des quiproquos évidents. Je laisse le soin à votre imagination de trouver une définition individuelle à ce mot, disons, collectif.

J'en déduis donc qu'une charte de la laïcité est TECHNIQUE pour que soient regroupés les actes juridiques des objectifs communs d'une nation. Elle est indispensable pour tout état de droit, afin que les bases minimum communes (légales) entre les cultures y soient clairement définies. Et elles ne peuvent pas être autres que juridiques.


"Pour réussir dans le monde, retenez bien ces trois maximes : voir, c'est savoir ; vouloir, c'est pouvoir ; oser, c'est avoir." Alfred de Musset



 Une charte de la laïcité est indispensable pour le mieux Vivre Ensemble. Point.
Le dialogue maintenant. Toujours en relisant mes notes, pour qu’il y ait dialogue, il faut nécessairement des personnes pensant différemment sinon, nous avons affaire à des élites s’autocongratulant de leurs bons coups.
Dans mes notes : deux mots écrits en gros sous le verbe DIALOGUER : DONNER ET RECEVOIR.
Sous le mot donner : « savoir ce qu’on peut donner à l’autre, un minimum de conscience et d’orgueil d’être ce que l’histoire et la géographie ont fait de nous. »
Et sous le mot recevoir : « sans croire qu’on occupe un point surplombant l’histoire et qu’on est là pour faire rentrer l’interlocuteur dans le droit chemin. »
« Ne peut dialoguer celui qui estime avoir un droit d’aînesse ou des droits divins sur le vrai, le bon et le beau. »
J’ai des notes et des notes, une dizaine de pages sur ce discours fabuleux de M. Debray qui s’est terminé par ceci.
Je n’avais pas pu résister à la tentation et avait demandé au philosophe sa dernière page dont je reprends ici le contenu :
« Le pire pour une culture, chacun le sait, est de rester seule. C’est-à-dire stationnaire, en voie d’appauvrissement. C’était le sort fatal de certaines ethnies primitives, restées au stade néolithique, insuffisamment développées, qui mouraient d’homogénéité. Ce pourrait être le sort aujourd’hui d’une culture euro-américaine, parlant au nom de l’Occident tout entier, trop imbue de ses formules propres pour pouvoir compter jusqu’à deux et trois encore moins. Sa faiblesse, à terme, résiderait dans sa force même. Une culture souffrant d’hypertrophie, et se prenant pour la Culture, qui, à force de répandre son mode de vie et ses façons de penser à tous les autres cantons de l’humanité, n’aurait plus qu’à se regarder dans la glace, faute d’étrangers à qui parler, et surtout à écouter. Le chiffre un est souvent un étouffement. Le chiffre deux, parfois une malédiction. À trois, on commence à respirer. »

Écrire la différence ou l'indifférence? Lorsque j’écoutais toute la polémique entourant le crucifix de l’Assemblée nationale objet qui, à mon avis a bel et bien sa place dans l’enceinte, je me suis souvenue des mots d’ouverture de cette rencontre.  L’importance du rappel à l’histoire et à la mémoire du pays. Car c’est « l’histoire et la géographie qui ont fait de nous ce que nous sommes ». 
L’église a joué un rôle déterminant de bâtisseure ici. Elle a fait partie de l’histoire du Québec et fait honneur aux hommes et aux femmes missionnaires qui ont soigné et éduqué le peuple. 
Nous pouvons critiquer les abus faits par l’église qui ont donné naissance à la révolution tranquille. Mais nous ne pouvons renier le passé des Québécois et le rôle qu’a joué l’église dans la construction du pays. Le nom des villages et des rues transpirent ce rapport au passé religieux. Et la littérature québécoise des 200 dernières années abonde d’exemples en ce sens.
Ce que le Maire Tremblay a dit : « C’est pas la charte comme telle. C'est de voir une personne - je ne suis même pas capable de prononcer son nom, d'Algérie, qui ne connaît pas notre culture, mais c'est elle qui va dicter les règles », s'est-il indigné.
Ce que nous pouvons comprendre de son intervention est, qu’il ne doit, à son avis, y avoir qu’une culture unique. Il a exprimé, si j'ai bien interprété ses propos, qu’il fallait préserver la pureté des Québécois d’origine et éviter la promiscuité avec des ethnies différentes.
Le maire Tremblay devrait inscrire comme priorité à la ville de Saguenay la suppression de la pentecôte : les disciples de Jésus ce jour-là parlaient toutes les langues, nous dit la bible. L’histoire ne dit pas s’il y avait parmi eux, des Québécois de souche.




[i] Expression chère à Francine Ruel et je crois bien à Élise Guilbault : disque de tango.
[ii] D’où mon souvenir à ce titre de tango : Les sables émouvants.


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