lundi 28 novembre 2022

Charles III n’est pas le roi des Juifs ni des Québécois !

Texte rédigé au moment du serment obligatoire de l'Assemblée nationale au mois d'octobre 2022

Non à l’allégeance au roi anglais ! 
 
Le chef du Parti québécois, Paul Saint-Pierre Plamondon prêtait « serment sincère au peuple québécois », le 21 octobre 2022, suivi des deux autres députés élus, Joël Arsenault et Pascal Bérubé. 
 
Lorsque le chef du PQ a prononcé ces paroles, il m’était impossible de contenir ma joie. 
 
Celle d’avoir été témoin de l’obstination de trois députés de refuser de se soumettre à l’indicible: l’allégeance au nouveau roi d’Angleterre. 

 

Les plaines d'Abraham 


Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Louis Riel; au peuple métis qu’il défendait et à sa pendaison.
 
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la bataille sur les Plaines d’Abraham en m’imaginant le désespoir ressenti le lendemain par les Canadiens français vivant sur le sol de la Nouvelle-France. Et à Celui d’Abraham Gradis, juif de Bordeaux, qui avait affrété tant de bateaux, remplis d’armes et de munitions de guerre pour soutenir le général Montcalm, ses troupes et les Canadiens français.

 

Général Montcalm
Montcalm conduisant ses troupes aux Plaines d'Abraham.
(avec la permission de Charles William Jefferys/Bibliothèque et Archives Canada/e010999530)


Déclaration de Balfour en 1917


Pas non plus empêchée de penser à la déclaration de Balfour en 1917, qui devait mener à la scission par les Anglais d’un foyer juif et d’un foyer arabe en Palestine mandataire. 
Qui, si elle avait été appliquée et non détournée de son mandat premier, aurait pu sauver les millions d’assassinats des Juifs du siècle dernier.
 
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la duplicité des Anglais et à leur complicité aux détenteurs du précieux or noir. 
 
Je n’ai pas pu m’empêcher non plus de repenser aux différents livres blancs que l’Angleterre s’évertuait à produire au fil des années du siècle dernier pour satisfaire le monde arabe et son pétrole si convoité au point d’en oublier la défense des droits humains les plus fondamentaux et la démocratie à protéger.
 
Vous connaissez les 3 livres blancs que l’Angleterre a produits qui ont fait retarder l’application de la déclaration de Balfour après 1917, sur l’avènement d’un foyer juif en Palestine  ? 
 
Un rappel : 

·      Le 1er livre blanc en 1922 restreignait le territoire destiné aux Juifs donc à l’établissement d’un foyer juif en Palestine comme le prévoyait la déclaration de Balfour en 1917. Avec pour conséquence, le pouvoir et le contrôle des terres à l’émir de l’époque.
·      Le 2e livre blanc en 1930 qui a remis en question l’implantation de colonie juive en Palestine empêchant les Juifs vivant déjà en Palestine de travailler ou de développer leurs propres terres ou d’ouvrir des entreprises.
·      Le 3e livre blanc en 1939, le pire de tous, celui qui a signé l’arrêt de mort des 6 millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, interdisait aux Juifs de massivement se tourner vers la Palestine terre promise mais également interdisait à ceux vivant en Palestine de continuer à acheter des terres aux Arabes et de les exploiter. La restriction des visas et des passeports attribués aux Juifs est une tache noire que l’Angleterre portera toujours en son sein. 

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ce qui a conduit à l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ou l'odieux était atteint en construisant des camps de concentration au Royaume Uni pour accueillir des Juifs. 




À la fin de la guerre, non contents de satisfaire leurs alliés arabes, les Anglais empêchaient les rescapés de la Shoah de se diriger vers la « terre promise » en les parquant dans des camps. 

Tout ce que des centaines d’enfants juifs rescapés avaient connu jusque-là, c’était une vie de camps entourés de barbelés. 
 

À Chypre ou au Kenya

Comme le répétaient souvent les adultes juifs enfermés dans les camps à Chypre, au Kenya ou en France, etc. c’était que si « Hitler nous assassinait. Les Anglais ne nous permettaient pas de vivre. »
 
Je repensais aussi à la politique d’immigration antisémite des paroles d’un fonctionnaire de Mackenzie King qui avait répondu à la question : combien de réfugiés juifs, il accepterait au Canada? Il avait répondu « aucun, c’est encore trop ». Décision qui a mené à l’incident du paquebot Saint Louis. 

Bibliotheque Historique de la Ville de Paris


Que dire de ces deux autres paquebots, abandonnés sur ordre des Anglais par blocus naval qui ont coulé en pleine mer pour faire respecter le 3e livre blanc de ne pas accorder les visas nécessaires, avec à leurs bords des milliers de Juifs tentés de fuir l’Europe pour trouver la paix en Palestine. 
 


  • Bibliotheque Historique de la Ville de Paris
Je pourrais encore et encore énoncer des faits tous plus significatifs que les autres sur les ravages anglais envers les Juifs qui me sont revenus en mémoire lorsqu’il a été question d’allégeance au roi.


Trois députés et leurs principes

Si bien que lorsque les trois députés péquistes de l’Assemblée nationale du Québec, Paul Saint-Pierre Plamondon, Joël Arsenault et Pascal Bérubé ont porté « serment sincère au peuple québécois » je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à ce qui précède et à les en féliciter. 
 
Je me suis toujours demandée pour quelle raison les Juifs montréalais se ralliaient aux Anglais et non aux Canadiens français, aux Québécois francophones, alors qu’il y avait aussi une longue tradition d’antisémitisme au Canada anglais malgré les excuses publiques récentes de plusieurs dirigeants. 
 
Il faut se mettre dans l’histoire pour comprendre ma joie de voir ces trois députés défier la tradition ainsi que ma fierté d’avoir soutenu le peuple québécois pendant des dizaines d’années et d’en être partie prenante.
 
Nous, les Juifs de culture ou de religion, pouvons comprendre la lutte à mener pour protéger une langue, une culture, un drapeau, des traditions, un territoire, une nation.
 
 

mercredi 9 novembre 2022

Fernando Pessoa

 


LE GARDEUR DE TROUPEAUX
Sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro, publié en
1946.
Je crois au monde comme à une marguerite
Parce que je le vois. Mais je ne pense pas à lui
Parce que penser, c’est ne pas comprendre...
Le monde ne s’est pas fait pour que nous pensions à lui
(Penser, c’est être dérangé des yeux)
Mais pour que nous le regardions et en tombions d’accord...
Moi je n’ai pas de philosophie : j’ai des sens...
Si je parle de la Nature ce n’est pas que je sache ce qu’elle est,
Mais c’est que je l’aime, et je l’aime pour cela même,
Parce que lorsqu’on aime, on ne sait jamais ce qu’on aime
Pas plus que pourquoi on aime, ou ce que c’est qu’aimer...
Aimer est la première innocence,
Et toute innocence ne pas penser...
***
C’est assez de métaphysique que de ne penser à rien.
Ce que je pense du monde ?
Va-t-en savoir ce que je pense du monde !
Si je tombais malade j’y penserais.
Quelle idée je me fais des choses ?
Quelle est mon opinion sur les causes et les effets ?
Qu’ai-je médité sur Dieu et l’âme
Et sur la création du monde ? Je n’en sais rien.
Pour moi penser à cela c’est fermer les yeux
Et ne pas penser. C’est tirer les rideaux
De ma fenêtre (qui d’ailleurs n’a pas de rideaux).
Le mystère des choses ? Va-t’en savoir ce qu’est le mystère ?
L’unique mystère est qu’il y en ait qui pensent au mystère.
Qui se tient au soleil et ferme les yeux,
Commence à ne plus savoir ce qu’est le soleil,
Et à penser maintes choses pleines de chaleur.
Mais il ouvre les yeux et voit le soleil,
Et voilà qu’il ne peut plus penser à rien,
Parce que la lumière du soleil vaut mieux que les pensées
De tous les philosophes et de tous les poètes.
La lumière du soleil ne sait pas ce qu’elle fait
Et pour cela n’est pas erronée, elle est commune et bonne.
Métaphysique ? Quelle métaphysique ont ces arbres-là ?
Celle d’être verts et touffus et d’avoir des branches
Et celle de donner des fruits à leur heure,
ce qui ne nous fait pas penser
À nous-mêmes, qui ne savons pas faire attention à eux.
Mais quelle meilleure métaphysique que la leur,
Qui est de ne pas plus savoir pourquoi ils vivent
Que de savoir qu’ils ne le savent pas ?
Constitution intime des choses...
Sens intime de l’univers...
Tout ça est faux, tout ça ne veut rien dire.
C’est incroyable que l’on puisse penser à ce genre de choses.
C’est comme de penser à raisons et fins
Quand le tout début du matin se met à rayonner,
et que sur le profil des arbres
Un or lustral et vague vient perdre peu à peu sa part
d ’o b s c u r i t é .
Penser au sens intime des choses,
C’est en plus, comme de penser à la santé
Ou d’apporter un verre à l’eau des fontaines.
L’unique sens intime des choses
Est qu’elles n’ont pas de sens intime du tout. »
« Je ne crois pas en Dieu parce que je ne l’ai jamais vu.
S’il voulait que je croie en lui,
Sans doute viendrait-il me parler
Et entrerait-il chez moi par la porte
En me disant : me voici !
»
POÈMES DESASSEMBLÉS
Sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro.
La confondante réalité des choses
Est ma découverte de tous les jours.
Chaque chose est ce qu’elle est
Et il est difficile d’expliquer à quiconque à quel point
cela me réjouit,
Et à quel point cela me suffit.
***
Mais pourquoi est-ce que m’interroge, si ce n’est que
je suis malade ?
Aux jours dans le vrai, aux jours extérieurs de ma vie,
Mes jours de parfaite lucidité naturelle,
Je perçois sans percevoir que je perçois,
Je vois sans savoir que je vois,
Et jamais l’Univers n’est aussi réel qu’à ce moment-là.
***
J’apporte à l’Univers un nouvel Univers
Car j’apporte à l’Univers l’Univers lui-même.
***
« C’est peut-être le dernier jour de ma vie
J’ai salué le soleil, en levant ma main droite,
Mais je ne l’ai pas salué pour lui dire adieu,
J’ai fait signe que j’aimais bien le voir encore : rien d’autre.
»

POÈMES DESASSEMBLÉS 


Sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro. 


La confondante réalité des choses 

Est ma découverte de tous les jours. 

Chaque chose est ce qu’elle est 

Et il est difficile d’expliquer à quiconque à quel point  

      cela me réjouit, 

Et à quel point cela me suffit. 


*** 


Mais pourquoi est-ce que m’interroge, si ce n’est que  

      je suis malade ? 

Aux jours dans le vrai, aux jours extérieurs de ma vie, 

Mes jours de parfaite lucidité naturelle, 

Je perçois sans percevoir que je perçois, 

Je vois sans savoir que je vois, 

Et jamais l’Univers n’est aussi réel qu’à ce moment-là. 


*** 


J’apporte à l’Univers un nouvel Univers 

Car j’apporte à l’Univers l’Univers lui-même. 


*** 


«  C’est peut-être le dernier jour de ma vie 

J’ai salué le soleil, en levant ma main droite, 

Mais je ne l’ai pas salué pour lui dire adieu, 

J’ai fait signe que j’aimais bien le voir encore : rien d’autre.  

´»


pourquoi est-ce que m’interroge, si ce n’est que effvgbbbfer

je suis malade ?
Aux jours dans le vrai, aux jours extérieurs de ma vie,
Mes jours de parfaite lucidité naturelle,
Je perçois sans percevoir que je perçois,
Je vois sans savoir que je vois,
Et jamais l’Univers n’est aussi réel qu’à ce moment