vendredi 18 février 2022

Le passeport, le pass vaccinal et le personnel hospitalier de l’hôpital de Verdun – CIUSSS du Centre-sud de Montréal

Mercredi 16 février, je prenais le vol d’Air Transat de retour d’Espagne à Montréal trois mois à l’avance car je soupçonnais que mon père n’allait pas bien. Je n’aimais pas sa voix au téléphone depuis quelques jours. Ma soeur me dit que j'ai toujours eu une relation fusionnelle avec mon père. C'est vrai!

Nous atterrissons à 13 h 20. Je passe rapidement les douanes car j’ai eu la chance d’avoir la COVID fin janvier. Et que franchement l’aéroport et le pays a l’air d’être dans un isoloir.


15 min après avoir ouvert ma ligne cellulaire, en prenant mes bagages, je reçois un courriel du centre où vit mon père pour m’annoncer qu’ils l’ont envoyé en ambulance à l’hôpital de Verdun – CIUSSS du Centre-sud de Montréal. 


Je me précipite à l’hôpital. J’arrive une heure après lui, me dit-on.


À la porte, dialogue invraisemblable :

  • - Vous avez votre passeport, me demande-t-on à l’entrée?
  • - Oui, bien sûr. 

Je sors évidemment mon passeport, comme une dizaine de fois, depuis mon départ de l'aéroport de Malaga le matin-même, en demandant :


- Pour quelle raison vous voulez voir mon passeport ?


La dame me répond :

  • - Non. Pas votre passeport! Votre passeport.
  • - Mais! C’EST mon passeport!
  • - Je veux voir votre passeport vaccinal.
  • - Ah! Vous voulez mon pass vaccinal. Ok. Le voici. Mais ce n’est pas un passeport madame. J’arrive de l’aéroport aussi lorsque vous me demandez mon passeport, je n’en connais qu’un, c’est celui dont nous avons besoin pour passer les frontières. Pardonnez-moi je n’avais pas compris que vous vouliez dire le pass vaccinal.
Notez que je ne me suis pas fait vacciner par conviction au bienfait de ce médicament mais pour pouvoir voyager. 

Je demande à voir mon père, 94 ans qui vient d’être transporté en ambulance à l’urgence. On me dit que ce ne sera peut-être pas possible mais ils se ravisent lorsque je leur montre mon test Covid-positif, passé il y a 16 jours dans un laboratoire/clinique de Benalmadena/Arroyo de la Miel, 4 jours après avoir débuté la Covid. 


Chut! J'ai pris de l'azithromycin qui a immédiatement agi... 


Ils me permettent de le voir. Je passe l’après-midi avec lui. Il m’a parlé au début, a su que j’étais auprès de lui puis il a fermé les yeux et a dormi ensuite toute l’après-midi et en soirée.


La docteure, urgentologue, qui porte le même prénom que moi avec un i m’annonce qu’on le fera évaluer pour les soins palliatifs. Elle prend le temps de m'expliquer et de me rassurer. Je ne suis pas habituée à ce genre de traitement dans les hôpitaux que j’ai souvent fréquentés (casse-cou je suis). 


J'étais dévastée, effondrée. 


D’une amabilité incroyable, m’informe, me pose des questions. J’ai eu affaire au premier être humain au sein du personnel soignant d’une humanité étonnante.

Le préposé (dont j’oublie le prénom), l’infirmier Guillaume, tous étaient d’une gentillesse à faire monter les larmes aux yeux à chaque interaction. 


Je ne m’oppose pas au fait du « pas d’acharnement ». 

À son âge, sa qualité de vie n’est pas géniale. Il ne peut plus sortir de son lit.


Bien sûr, mon père a 94 ans.

Bien sûr, il a eu une belle vie de musicien saxophoniste et clarinettiste,  amoureux du jazz.

Bien sûr, il a voyagé, profité...

Bien sûr, il était heureux d'émigrer au Québec. 

Bien sûr qu'il n'est pas éternel. Mais!


C'est toujours difficile de se séparer de quelqu'un. Un moment où l'on voit les choses sous un autre prisme.


Ils font des tests non invasifs. Je reste jusque vers 20 h.


Je rentre à la maison. 


À deux heures du matin, en décalage horaire, je retourne à l’hôpital mais je n’ai pas réussi à le voir. Il a apparemment la COVID. Son test est revenu positif. Je mentionne à l’infirmier (dont j’oublie le prénom, Pardon. Trop endormie). Mathieu, je crois, 

qui a pris le temps de venir me rencontrer à la porte, que je l’ai eue et que j’ai passé tout l’après-midi la veille avec lui. Les instructions sont fermes. Il est aussi d’une gentillesse à couper le souffle. Il me donne le numéro de l’urgence et me conseille d’appeler le matin, qu’on me donnera des nouvelles et qu'on me permettra peut être de le voir.


J’ai pris en tout 3 taxis en 12 heures, les chauffeurs : un Haïtien, un Marocain et un Pakistanais anglophone d'origine. Tous trois m’ont dit la même chose avec les mêmes expressions. Ce pays va être en faillite. Ces gouvernements ont mis le pays à terre avec des décisions politiques. Tous trois ont parlé de dictature qu’ils connaissent bien. Je n’ai pas rétorqué car en Europe, chaque fois que je disais que je venais du Québec ou du Canada, on me répondait : Ah ! la nouvelle dictature. Je hochais alors les épaules et la tête pour signifier que je ne comprenais pas les décisions prises. Sans autres commentaires. Une différence de perception du pays autrefois si positive et admirative. 


Je retourne à la maison. Le matin, j’appelle à l’urgence comme conseillé par l’infirmier. 


On me dit que mon père s’est réveillé ce matin et qu’il a parlé et bu avec plaisir avec le préposé si patient que j'avais rencontré la veille. 


On me prévient que le médecin chargé des soins palliatifs, Dr Hébert, m’appellera sous peu. Il ne s’est pas passé une demi-heure, je reçois l’appel du médecin qui me pose des tas de questions sur l’historique médical de mon père, sur son moral, je confirme qu’il n’a pas quitté sa chambre ni son lit depuis le début de la COVID en mars 2020 et un peu avant et que ça a eu un effet désastreux sur son moral. 

Que, normalement, je quitte pour l’hiver en novembre. Je ne suis pas partie à cause de cela avant la mi-décembre par obligation de renouvellement de papiers légaux. Non complétés d'ailleurs.


Le médecin me propose de l’hospitaliser en gériatrie, en observation afin de déterminer s’il ira mieux. 


Ainsi il retournera au centre, sinon il ira en soins palliatifs si sa santé se détériore. 


Une demi-heure plus tard, Dr Martine Roy, gériatre, m’appelle pour me poser des questions sur la famille, la personne responsable, etc. et m’explique le plan de match. Il sera hospitalisé dans une chambre pendant 10 jours en observation et nous verrons ce qui se passera. D'une gentillesse et d'une patience aussi impressionnante que les autres.


Mon père qui n'a qu'un demi-poumon fonctionnel ne tousse pas, n’a apparemment pas la gorge irritée, etc. Il dort. Je ne comprends pas qu'il puisse être diagnostiqué COVID puisqu’un des signes de la COVID : la toux. Ce qui serait désastreux pour lui. J’ai eu la COVID et j’ai tellement toussé. Mes amis triplement vaccinés aussi.  Elle m’explique que les personnes âgées réagissent différemment.


Il dort tout le temps. 


Comment font les infirmiers, préposés, médecins, spécialistes, après deux ans de pression au sein d'un système défaillant pour être aussi patients, gentils, aimables, plein d’humanité ? 


Ça m’a bouleversée! 


Au personnel de l’hôpital de Verdun – CIUSS du Centre-ville de Montréal :


MERCI ! 

MERCI D’ÊTRE LÀ ! 

MERCI POUR VOTRE HUMANITÉ SI RARE DE NOS JOURS !


Je viens de terminer l'écriture et la publication d'un livre dans lequel il est fortement question des anges de Rainer Maria Rilke. 


Je les ai rencontrés. Des anges tombés du ciel. Je vous le dis ! 


Des vrais en chair et en os !