LE GARDEUR DE TROUPEAUX
Sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro, publié en
1946.
Je crois au monde comme à une marguerite
Parce que je le vois. Mais je ne pense pas à lui
Parce que penser, c’est ne pas comprendre...
Le monde ne s’est pas fait pour que nous pensions à lui
(Penser, c’est être dérangé des yeux)
Mais pour que nous le regardions et en tombions d’accord...
Moi je n’ai pas de philosophie : j’ai des sens...
Si je parle de la Nature ce n’est pas que je sache ce qu’elle est,
Mais c’est que je l’aime, et je l’aime pour cela même,
Parce que lorsqu’on aime, on ne sait jamais ce qu’on aime
Pas plus que pourquoi on aime, ou ce que c’est qu’aimer...
Aimer est la première innocence,
Et toute innocence ne pas penser...
***
C’est assez de métaphysique que de ne penser à rien.
Ce que je pense du monde ?
Va-t-en savoir ce que je pense du monde !
Si je tombais malade j’y penserais.
Quelle idée je me fais des choses ?
Quelle est mon opinion sur les causes et les effets ?
Qu’ai-je médité sur Dieu et l’âme
Et sur la création du monde ? Je n’en sais rien.
Pour moi penser à cela c’est fermer les yeux
Et ne pas penser. C’est tirer les rideaux
De ma fenêtre (qui d’ailleurs n’a pas de rideaux).
Le mystère des choses ? Va-t’en savoir ce qu’est le mystère ?
L’unique mystère est qu’il y en ait qui pensent au mystère.
Qui se tient au soleil et ferme les yeux,
Commence à ne plus savoir ce qu’est le soleil,
Et à penser maintes choses pleines de chaleur.
Mais il ouvre les yeux et voit le soleil,
Et voilà qu’il ne peut plus penser à rien,
Parce que la lumière du soleil vaut mieux que les pensées
De tous les philosophes et de tous les poètes.
La lumière du soleil ne sait pas ce qu’elle fait
Et pour cela n’est pas erronée, elle est commune et bonne.
Métaphysique ? Quelle métaphysique ont ces arbres-là ?
Celle d’être verts et touffus et d’avoir des branches
Et celle de donner des fruits à leur heure,
ce qui ne nous fait pas penser
À nous-mêmes, qui ne savons pas faire attention à eux.
Mais quelle meilleure métaphysique que la leur,
Qui est de ne pas plus savoir pourquoi ils vivent
Que de savoir qu’ils ne le savent pas ?
Constitution intime des choses...
Sens intime de l’univers...
Tout ça est faux, tout ça ne veut rien dire.
C’est incroyable que l’on puisse penser à ce genre de choses.
C’est comme de penser à raisons et fins
Quand le tout début du matin se met à rayonner,
et que sur le profil des arbres
Un or lustral et vague vient perdre peu à peu sa part
d ’o b s c u r i t é .
Penser au sens intime des choses,
C’est en plus, comme de penser à la santé
Ou d’apporter un verre à l’eau des fontaines.
L’unique sens intime des choses
Est qu’elles n’ont pas de sens intime du tout. »
« Je ne crois pas en Dieu parce que je ne l’ai jamais vu.
S’il voulait que je croie en lui,
Sans doute viendrait-il me parler
Et entrerait-il chez moi par la porte
En me disant : me voici !
»
POÈMES DESASSEMBLÉS
Sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro.
La confondante réalité des choses
Est ma découverte de tous les jours.
Chaque chose est ce qu’elle est
Et il est difficile d’expliquer à quiconque à quel point
cela me réjouit,
Et à quel point cela me suffit.
***
Mais pourquoi est-ce que m’interroge, si ce n’est que
je suis malade ?
Aux jours dans le vrai, aux jours extérieurs de ma vie,
Mes jours de parfaite lucidité naturelle,
Je perçois sans percevoir que je perçois,
Je vois sans savoir que je vois,
Et jamais l’Univers n’est aussi réel qu’à ce moment-là.
***
J’apporte à l’Univers un nouvel Univers
Car j’apporte à l’Univers l’Univers lui-même.
***
« C’est peut-être le dernier jour de ma vie
J’ai salué le soleil, en levant ma main droite,
Mais je ne l’ai pas salué pour lui dire adieu,
J’ai fait signe que j’aimais bien le voir encore : rien d’autre.
»
POÈMES DESASSEMBLÉS
Sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro.
La confondante réalité des choses
Est ma découverte de tous les jours.
Chaque chose est ce qu’elle est
Et il est difficile d’expliquer à quiconque à quel point
cela me réjouit,
Et à quel point cela me suffit.
***
Mais pourquoi est-ce que m’interroge, si ce n’est que
je suis malade ?
Aux jours dans le vrai, aux jours extérieurs de ma vie,
Mes jours de parfaite lucidité naturelle,
Je perçois sans percevoir que je perçois,
Je vois sans savoir que je vois,
Et jamais l’Univers n’est aussi réel qu’à ce moment-là.
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J’apporte à l’Univers un nouvel Univers
Car j’apporte à l’Univers l’Univers lui-même.
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« C’est peut-être le dernier jour de ma vie
J’ai salué le soleil, en levant ma main droite,
Mais je ne l’ai pas salué pour lui dire adieu,
J’ai fait signe que j’aimais bien le voir encore : rien d’autre.
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je suis malade ?
Aux jours dans le vrai, aux jours extérieurs de ma vie,
Mes jours de parfaite lucidité naturelle,
Je perçois sans percevoir que je perçois,
Je vois sans savoir que je vois,
Et jamais l’Univers n’est aussi réel qu’à ce moment