Jérôme Blanchet-Gravel, journaliste, écrivain et chroniqueur à QUB radio, rédigeait un post sur Facebook qui commençait ainsi : « Il faut passer du temps à l’étranger pour réaliser à quel point il est devenu difficile de débattre au Québec, et même d’entretenir des amitiés avec des gens qui ne partagent pas nos idées. »
Cher Jérôme Blanchet-Gravel, je partage ton opinion et j’irai plus loin. Je sais que tu me le permets, puisque c’est bien là ton propos. J’appréhende mon retour au Québec après avoir pris l’habitude en Europe de débattre, même avec des amis policiers de droite comme de gauche, (oui! oui! ça existe!), faisant partie de la même famille; d’écouter des émissions de télévision de débats. De réels débats et d’expressions de points de vue différents de la pensée main stream.
Pensées polarisantes valorisées
Lorsqu’on a pris goût à exprimer librement les nuances qui nous habitent et nous viennent en tête, lors de discussions, nous nous rendons compte, depuis l’Europe, que les pensées polarisantes ou binaires, pour ou contre, sont valorisées pour exclure, étiqueter. Il est certain que c’est plus sécurisant et confortable pour certains. Malheureusement, les sculptures des trois singes – entendre, voir et se taire – sont alors de mise.
Un exemple plus près de nous. J’ai, dans un texte bien personnel, critiqué les mesures abusives prises par le gouvernement du Québec qui a fortement incité celui du Canada à la fermeture des frontières et à la quarantaine à l’hôtel pour les voyageurs à des frais exorbitants, par mesure dissuasive de voyager. Passant du peu de contrôle à un contrôle policé. Mesure dénoncée par les Conservateurs canadiens et par Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec, qui se fait un devoir de souligner les incohérences politiques pour ne pas tomber dans la pensée unique. Notez que je suis péquiste depuis que le PQ existe.
Certains m’ont signifié que je critiquais et remettais en question cette mesure, parce qu’elle m’atteignait personnellement.
Si j’étais restée au Québec, j’aurais été encore plus virulente, sachez-le.
C’est comme utiliser un bazooka pour tuer des moustiques.
Depuis l’idée même de son application, je savais que cette mesure ne tenait pas la route d’un point de vue sanitaire et coûterait des millions à mettre en place, alors que les besoins criants de financement se font sentir en santé, dans la recherche pour le cancer, le sida, contre la violence faite aux femmes et aux familles, pour l’éducation, pour les enfants abandonnés, etc.
Plus de 33 millions de dollars en contrats privés
« La surveillance de la quarantaine obligatoire aux frontières du Canada a coûté plus de 33 millions de dollars à Ottawa en contrats privés accordés à des firmes spécialisées en sécurité, » rapportait Le Devoir.
Il y a deux semaines, un rapport commandé par le premier ministre du Canada reprenait scientifiquement les mêmes arguments, de non-sens sanitaire, de fardeaux pour les voyageurs essentiels, de dépenses exorbitantes et injustifiées de fonds publics, tout en empêchant les familles de se retrouver alors que selon le même article : « 98,6 % des personnes qui sont entrées au pays par les airs n’étaient pas porteuses de la COVID-19, ont indiqué les tests obligatoires effectués à la frontière; 99,7 % des voyageurs entrant par la route se sont retrouvés dans la même situation. »
Au lieu d’y voir une voix dissidente par simple bon sens, je suis passée pour une complotiste. Même Facebook s’y est mis. C’est à se demander si leurs censeurs savent lire et faire les nuances appropriées.
Complotiste alors que l’on respecte le port du masque, les gestes barrières et le lavage de mains. Notez que pour ma part, nul besoin de rappeler à longueur de journée le lavage de mains : mes parents m’ont bien éduquée.
Ce qui me sidère est que ce qui précède est aussi valable pour les médias. Difficile d’écouter quelques jeunes journalistes qui, au lieu de questionner, d’analyser, de rendre compte, font des topos dont le contenu incite, par le vocabulaire et les pronoms utilisés, les spectateurs à comprendre que les directives gouvernementales sont paroles d’évangile. Sans enquête.
L’avenir des médias
Je ne parle pas des éditorialistes, mais des jeunes journalistes. Ça augure mal pour l’avenir des médias. Les gouvernements n’ont plus besoin d’engager des entreprises de communication ou de relations publiques. Ils ont de parfaits haut-parleurs qui feront le suivi adéquat, doublant et triplant ainsi leur effet après leur conférence de presse quotidienne, un rituel installé depuis le début de la pandémie.
Sans vouloir jouer les belles-mères ou les « de mon temps, c’était mieux », puisque j’en ai discuté avec de jeunes journalistes allumés, il serait approprié que les rédacteurs en chef jouent un rôle plus marquant pour pousser les jeunes à aller plus loin dans leur enquête, qui se résume parfois à n'interroger qu’une personne pour en faire une généralité. J’écoute ces topos et je suis étonnée que ça puisse passer.
J’ai été au pupitre de diverses salles de rédaction et je ne manquais pas de demander à un journaliste de reprendre un laïus, d’ajouter des entrevues pour amenuiser, nuancer ou contrebalancer, « tant le jupon dépassait ».
Passe encore pour le commun des mortels – est-ce un héritage anglo-saxon? peut-être –, mais du point de vue médiatique, c’est impardonnable.
J’écoutais, par exemple, le journaliste du Figaro, Ivan Rioufol, sur CNews en France, défendre dès le début de la pandémie le professeur Didier Raoult, l’utilisation de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, les libertés individuelles et collectives, et de mettre en évidence les contradictions médicales ou gouvernementales.
Chaque jour, je résonnais en bonne Québécoise en me disant qu’ils finiront par ne plus l’admettre sur leurs plateaux, c’est certain. Or, à mon grand étonnement et plaisir, non seulement il allait toujours plus loin quotidiennement, mais les patrons de la chaine de télévision lui ont offert pendant l’hiver une tribune hebdomadaire le dimanche soir à heure de grande écoute pour exprimer sa dissonance : Les Points sur les i.
Il est vrai que les « pas de vagues » ou « pas de chicanes dans ma cabane » font partie du folklore des expressions québécoises.
C’est aussi ce qui fait le charme des Québécois, avouons-le.