« C’est ainsi et ça restera ainsi parce que ça marche
comme ça ».
Combien de dizaines de fois, j’ai entendu une conversation
se clore ainsi.
Ce qu’il y a à comprendre ici, je le crois, c’est l’impuissance
des gens en face des systèmes rôdés depuis trop longtemps, qui s’auto-congratulent,
qui s’auto-alimentent et qui ne sortent pas de ces cercles-là.
Nous l’avons compris lors des débats de la Commission
Charbonneau. Ce n’est pas pour rien que cette commission était réclamée depuis
deux ans.
Depuis au moins 20 ans, j’entends dans les cuisines québécoises
et ailleurs dans le monde, dire que les systèmes sont corrompus, que l’argent
va dans les coffres des partis politiques, des dirigeants, etc. etc. etc. J’ai
déjà provoqué un débat dans l’une de ces cuisines en insistant sur le fait que,
si ça existe, prouve-le alors.
Une remarque constatée au fil des ans: les débats dans
les cuisines sont désertés par les femmes qui préfèrent échanger leurs
dernières photos sur Instagram ou leurs montages sur Flickr ou encore parler de
sujets plus légers parce que la vie est trop lourde à porter sinon. Et que nous
sommes impuissantes. De toutes les manières.
Mon propos ici ne sera pas la commission Charbonneau. Bien
que ce qui s’y passe soit fort intéressant. Autant que la Commission Cliche que
j’avais suivie autrefois.
Je viens de lire le texte de Richard Latendresse sur la nouvelle poudrière de l’Afrique, Le
Mali, Bastion terroriste, dans le
Journal de Montréal. Le journaliste débute par la phrase :
« Les Américains ont appris cette semaine, sans trop s’y
attendre, qu’ils devaient désormais placer le Mali parmi leurs préoccupations.
Mitt Romney, le candidat républicain à la présidence, a fait référence à deux
reprises à l’énigmatique pays africain dans le dernier débat l’opposant à Barack
Obama. »
Ici la phrase, la dictature, c’est ferme ta gueule et la
démocratie c’est cause toujours, prend tout son sens.
Richard Latendresse a écrit un papier qui mériterait que l’on
s’y attarde un peu plus qu’une journée.
Les atrocités au Mali, qui y sont dénoncées, sortent parfois
dans les médias traditionnels et beaucoup dans les médias sociaux. Depuis des
décennies, les ONG s’égosillent pour crier ce qui se passe dans ce pays.
L’impuissance des ONG à se faire entendre est chronique :
le travail des enfants dans les mines d’or du Mali, celui des femmes dans la
transformation, pour en faire des pépites de la poudre d’or, brûlée avec du
mercure dont les vapeurs sont extrêmement toxiques, les viols des jeunes femmes
devant les parents terrorisés, les enfants-soldats, les mutilations, etc.
Ce qui choque dans tout ce qui précède, c’est le peu de
pouvoir que nous avons autre que celui de dénoncer ces faits et ne pas renoncer
à les dénoncer jusqu’à ce que justice soit faite ou à tout le moins pour être
entendu par le plus grand nombre.
Ce qui choque également c’est qu’il n’y a pas d’équilibre
entre l’attention que les journalistes portent et accordent aux gouvernements
en place et celle de la couverture médiatique des ONG sur les terrains.
J’avais participé en 1995, à Bratislava en Slovaquie, à un
débat sur « Comment attirer l’attention des médias sur le travail de
terrain des ONG en ex-Europe de l’Est et centrale».
Trois heures de débat qui se sont conclues par l'évidence qu’il
n’est pas très sexy de parler de la pauvreté ou des injustices sociales ni du
danger de ghettoïsation des représentants d’ethnies différentes : le
premier conflit de la Tchétchénie débutait. Le chef d’une des factions était
avec nous.
Le glamour et le pouvoir sont beaucoup plus « sexy ».
17 ans plus tard. Rien n’a vraiment changé.
Mais et il y a un mais. Là où je veux en venir, c’est
qu’il nous faut désormais sortir des analyses régionales et locales pour
observer la situation d’un point de vue géopolitique.
Lisez ce texte de Talal Salahdine, responsable Stratégie et
Communication de l'Institut Amadeus, think tank basé à Rabat au Maroc :
Le cercle vicieux…
La question est de savoir comment ces gens réussissent-ils à
se procurer des armes alors qu’ils n’ont rien à manger parfois, ni même d’eau pour
leurs enfants assoiffés.
Dans un texte ci-après publié par le magazine Le Point au
début de l’année, le journaliste, Jean Guisnel, dresse le portrait de ce
business et y annexe un tableau des 100 principaux vendeurs d’armes en 2010.
Hormis le business, c’est que l’armement rapporte beaucoup, il y a aussi la soif, à n’importe quel prix, du pouvoir individuel et collectif dans certains cas.
Tous nous savons. Encore faut-il le prouver, nous dira-t-on,
que tout un équilibre économique s’écroulerait s’il n’y avait plus de guerres.
Nous n’avons donc pas le choix de continuer à utiliser les
mots pour dénoncer et exprimer l’inexprimable souvent. Mais les mots ont-ils
encore un pouvoir?
Heureusement qu’il y a des journalistes, qui osent sortir
des cercles, comme Richard Latendresse, qui parle du Mali dans l’édition du dimanche
du Journal de Montréal, en faisant référence au débat présidentiel entre Obama
et Romney.
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