J’ai lu l’Écho des chaudrons comme les deux précédents livres de Michel Duchesne, l’Écrivain public et la Costa des Seuls, lentement pour savourer l’atmosphère qui y règne et qu’elle reste encore un peu à roder autour, une fois le livre refermé.
Parce que j’ai ri tout au long de la lecture.
Ils sont rares les romanciers qui, de nos jours, provoquent chez le lecteur une prise de conscience des inégalités sociales dans le rire mêlé à de la tristesse. Vous savez, ce type de rire qui nous arrache les larmes aux yeux. De par la tendresse qui transparait en filigrane.
Michel Duchesne est un de ceux-là.
Il est devenu au fil des ans le sociologue de la littérature. L’indigné parmi les indignés qui arrive par un tour de force et ses mots justes et forts, à nous dresser un portrait copié-collé de la société à l’est de la frontière de la rue Saint-Laurent.
Il parvient à nous envelopper et à nous entrainer dans un univers que peu connaissent, celui d’Hochelaga-Maisonneuve. Il y avait longtemps que l’univers de Michel Tremblay ne nous avaient pas atteints par une autre source.
La cuisine collective
Il y a les personnages qui font partie du groupe des Fourchettes d’or, ceux qui cuisinent pour les plus démunis qu’eux, les Passé Dates, ce sont eux qui nous arrachent tout à la fois des larmes et des rires.
Les indignés
Voire même le désespoir des personnages décrit à feu doux. Démunis? Non! COURAGEUX, ces personnages analphabètes qui côtoient l'étalage de culture de Momo.
Pas étonnant que l’auteur cite Germinal de Zola. « Jamais vous ne serez dignes du bonheur, tant que vous aurez quelque chose à vous, et que votre haine des bourgeois viendra uniquement de votre besoin enragé d’être des bourgeois à leur place. »
Michel Duchesne a une plume fine, acérée, tendre et sarcastique. Il a une manière toute à lui de passer d’un état à un autre en un tour d’éventail. Il personnifie tout sur son passage. Même les légumes, les épices et les arbres, « moi être un arbre, j’étoufferai à Montréal » et se venge au passage sur les tomates ou lorsque Mylène « faisait la peau à des poivrons fanés. » « Flang! Il envoya les navets à leur destin de crème… »
Mathieu, l'écrivain public
Tout passe par la bouche et les réflexions de Mathieu, le narrateur, oui oui, le même écrivain public qui « rides again » celui qui s’adresse à vous dans ce livre, ou celui autour duquel tous les autres personnages gravitent. Comme pour ne pas nous donner qu’un point de vue sur la même situation. J'ai entendu dernièrement cette expression dans un documentaires sur la décolonisation : "on écrit pas l'histoire avec une gomme". Mathieu/Michel n'utilise pas d'"efface".
Michel Duchesne, donne la parole à Mathieu, le narrateur principal, à sa mère, à des posts facebook, aux réflexions de sa fille ado, pas facile celle-là et l'univers vrai de André Montmorency, le faux, celui qu'il crée Tursar, les deux entremêlés, lui l'exécrable, sans noblesse (snob) et pourtant si attachant.
Pauline, qui me faisait penser à la passionnée Johanne Fontaine à qui ce livre est dédié. Nous l'entendons s'exprimer, pour celles et ceux qui l'ont connue, elles/ils reconnaitront ses manières de tourner les mots et les phrases que tout un chacun exprime dans la vraie vie d'Hochelaga.
L'écrivain, Michel Duchesne
Lorsqu’on rencontre Michel Duchesne, on ne peut que saisir le personnage, lui-même, à fleur de peau, qui fait dire à Momo : « Nous autres, artistes, sommes simplement des catalyseurs qui captons des messages soufflés par de vieilles âmes. »
“ Il ne sert à rien d'éprouver les plus beaux sentiments si l'on ne parvient pas à les communiquer." Stefan Zweig
L'auteur les communique si justement ! Si joliment! Son écriture est son allié le plus fidèle, comme Camus ! J’ai toujours pensé que le culturel était là pour que le politique puisse se donner bonne conscience. Que jamais le politique ne soutiendra vraiment le culturel ou les plus démunis. Ça ne rapporte pas! Et une fois au pouvoir, il faut démontrer que les budgets sont équilibrés pour assurer la prospérité économique.
Michel Duchesne est un romancier qui a trop d’injustices à dire, à dénoncer, à crier pour limiter sa vision. Il est indigné et rien n’échappe à son indignation. La religion, la politique, le milieu des subventions sous perfusion surtout pour le monde des pauvres, les relations mère-fils ou filles, ou père-fille, les artistes déchus, l'analphabétisme et le défi d'éducation, les immigrés et les difficultés de l'intégration…
Aragon est devenu idiot (c’est mon opinion) quand il a commencé à faire de la politique, comme les autres poètes et écrivains qui s'y sont frottés.Michel Duchesne est un révolutionnaire sans révolution (Re : au titre du livre de André Thirion). Faites-vous partie des révolutionnaires sans révolution, des indignés?
Si vous vous perdez parfois sans vous révolter sur le sort du monde, si vous êtes découragés par le manque d'empathie et d'humanisme, si vous doutez de l'humanité, il faut lire les livres de Michel Duchesne, pour vous rappeler qu’il existe plus démunis et plus humains parmi les chantres de la démocratie participative, qui ne mettent jamais la main à la pâte.
Et ce temps de Covid, on a qu’une envie, c’est de s’enfermer et d’aller cuisiner avec ce beau monde. On se dit que toute l’authenticité se trouve là dans la cuisine collective alors que le reste de la société n’est que duperie.
Des prix bien mérités
L'Écho des Chaudrons, disponible dans toutes les librairies.
Et via le web à partir du 14 octobre.
Bravo pour ce compte rendu enlevé et bien vu qui donne le goût de lire et de partager.
RépondreSupprimerMerci d’avoir pris le temps de laisser un commentaire.
SupprimerBelle plume de l’ex journaliste. Elle nous incite à lire et à réfléchir sur l’ouvre de M.Duchesne.
RépondreSupprimerhttps://www.chicasderevista.fr/2015/12/ma-playlist-de-noel.html?showComment=1603965626732#c7237631097663540114
RépondreSupprimerMerci pour les informations que vous partagez, je télécharge actuellement la sonnerie de sonnerie, et j'en suis très satisfait.
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