mardi 17 décembre 2019

Le plus beau métier du monde !



Voilà que ce matin, devant mon premier café, je retrouve un message très court d'un journaliste qui couvre le parlement européen, me rappelant à l'ordre.

Ma biographie sur twitter se lisait comme suit avant que je ne la change sur sa suggestion  : journaliste à la retraite et il y a quelques années : ex-journaliste imbibée de littérature.

Or, le collègue m'indique avec justesse qu'il est impossible qu'un ou une journaliste soit à la retraite.

Que «c'est comme un justicier qui, même à la retraite, les affaires le suivent et ceux qui détestent la démocratie n'arrêteront pas leur haine à la retraite. »

Ce rappel à l'ordre, au moment de prendre mon premier café, a été un baume sur le coeur tant j'ai toujours pensé que lorsqu'on a touché à ce métier, de près ou de loin, le plus beau du monde, à mon humble avis, on ne peut penser qu'un jour ou même une heure, nous pourrions prendre notre retraite.

Et ce journaliste avait raison. Je n'ai cessé d'exercer mon métier, même lorsque j'ai travaillé en politique. Les stratégies préparées, les textes que nous fournissions, les discussions internes étaient emprunts d'une orientation journalistique presque éditoriale.

C'était ainsi que je le vivais, ainsi que je sentais chacune de mes interventions et chacune de mes suggestions de révisions de discours, de communiqués ou d'orientation.

Bien entendu, il arrivait que certains tentent, lors de rencontres, de dérouter mes propos, de me déstabiliser en analysant «ma manière de m'exprimer si passionnée à la Méditerranéenne» ou «mon écriture calligraphique si bizarre.»

C'était le prix à payer d'être une femme, membre de la diversité culturelle et de surcroit ex-journaliste. Et mon regard sur la personne était de l'interpréter comme étant issu de «la ligue du vieux poêle ou celle de l'esprit de clocher de Québec». Il perdait toute crédibilité à mes yeux.

Ce matin, je me suis souvenue d'un journaliste africain de passage à Radio Canada, lors de mes premières journées de travail à l'émission le Point, il y a plusieurs années. Il y avait un photographe qui était venu prendre des photos de Michaelle Jean et de moi-même pour son exposition portant sur les femmes journalistes de la diversité montréalaise.

Nous étions alors Michaelle Jean et moi-même, la risée de certains de nos collègues qui ricanaient en disant: admirez les futures Madeleine Poulin!

J'avoue que nous avions été toutes les deux blessées par ces propos. Mais comme nos bureaux se jouxtaient alors, nous avions décidé de former une solidarité immuable.

Je reviens donc à la visite du journaliste africain qui était venu discuter avec le rédacteur en chef ou le chef recherchiste de l'absence de couverture journalistique québécoise sur l'Afrique, tout un continent négligé à la télévision d'état et de surcroit à l'émission d'Affaires publiques la plus écoutée.

Il faut dire que les émissions d'Affaires publiques n'envahissaient pas les écrans à l'époque avant la chaine d'information continue.

En entendant les ricanements et les moqueries, le journaliste nous avait marmonné, pour ne pas être entendu des autres, Omertà oblige : «ça ne fait que commencer. Attelez-vous bien! Attachez vos ceintures ou vos tuques! Lorsque vous voudrez sortir la tête de l'eau, on vous l'enfoncera bien profondément dans les eaux et vous finirez par vous noyer et abdiquer. C'est le lot des immigrants et surtout des femmes immigrantes.»

Nous n'étions pas femmes à baisser les bras. Vous connaissez la carrière de Michaelle Jean et un peu la mienne.

Bien entendu, nous avons toutes deux quitté Radio Canada.

Un jour, j'écrirai ce qui a valu mon départ, et la dernière phrase entendue par un des patrons: «la mode n'est plus aux Juifs mais aux Musulmans.»

 J'étais sortie du bureau abasourdie, d'autant que je ne m'identifiais pas comme Juive mais comme une femme tout simplement en amour avec son métier. Et que je ne pensais surtout pas qu'être Juifs, Musulmans ou Chrétiens faisait partie d'une mode qui passera, comme par ailleurs toutes les modes.

Toujours est-il que ce journaliste qui couvre le parlement européen, ce matin du 17 décembre 2019, m'a rappelée à l'ordre et fait remonter ces souvenirs en moi.

Sachant que nous plongeons en pleine transparence planétaire organisée, je pensais qu'il était de mon devoir de rédiger ces quelques lignes pour que les jeunes femmes journalistes immigrées, racisées, imbibées d'autres cultures que celle du pays où elles exercent ce merveilleux métier, ne sentent pas le complexe de l'usurpatrice les envahir plus souvent qu'autrement par le regard déformé que les autres portent sur elles.





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