mardi 31 mars 2020

Le Lion et le Rat

18ème jour avant d’aller inutilement à l’aéroport.
7e jour de confinement après l’aéroport.
Il pleut. Il fait froid. La mer est grosse et s’exprime violemment.


Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un lion
Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était et lui donna la vie .
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire ?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

lundi 30 mars 2020

Ce matin, je fais parler les autres !

17e jour de confinement avant l’aéroport / 7e jour après l’aéroport. Hâte de passer le cap du délicat 11e.
Ce matin, je fais parler les autres. La culture reprend la place centrale qu’elle occupe toujours dans ma vie.
C’était un délicieux moment de télévision. Pour oublier la bête immonde qui tente de s’immiscer dans nos corps.

À écouter jusqu’au bout.

Et cette vidéo...

«Comment faire le lien entre le singulier et le pluriel.»
«Penser à une refondation du monde.»
«La racine hébraïque du mot crise: table de travail, table d’accouchement.»



dimanche 29 mars 2020

Jour 16 / 6 Le Soleil se lève

Ç’aurait pu être Jour 16. C’était avant l’escapade à l’aéroport.
Jour 6 de confinement après l’escapade à l’aéroport.

Je resterai 3 semaines confinée. Même pas d’épicerie. Mes voisins s’en chargent.
Changement d’heure. Le lever de soleil plus tard sur l’Andalousie.

L’air de la mer me sert de respirateur naturel.

Tous, avec une couronne pleine d’épines au-dessus de la tête! Prête à s’immiscer dans notre corps.
Et si elle se désagrégeait. Ce serait formidable pour tous!

Surtout celles/ceux qui, je le réécris, sont agglutinés dans les prisons, dans des pays à forte densité de population, dans les camps de réfugiés, dans les pays en guerre armée...

Tous ceux qui n’ont pas la chance que nous avons de nous en remettre à nos organisateurs, coordonateurs en chef, gouvernements, afin qu’ils fassent ce qui est en leur POUVOIR, ET AUJOURD’HUI, LE MOT PREND TOUT SON SENS, pour nous sortir de cette crise sanitaire.

Femme reconnaissante à la vie d’être arrivée à mon âge après tant d’embûches, de croche-pieds, de trahison, d’exil intérieurs et extérieurs.

On rit en cœur!

Ce soleil matinal pour vous qui êtes confinés dans un espace minime. Que ses rayons vous atteignent!








samedi 28 mars 2020

Jour 15 + 5

Jour 15 de confinement stricte. 
Hourra ! J'ai gagné le jack pot!  Une autre tranche de vie m'attend peut être. Eh non! Ça aurait pu être. Mais ça c'était avant d'aller à l'aéroport inutilement.
Je reprends.

Jour 5 de confinement. 
Après avoir été à l'aéroport. Bien. La maison est ultra propre. Les vêtements sont ultra propres. Les chaussures d'extérieur ont été lavées et placées à l'entrée.
Même le téléviseur d'où j'écoute le monde a été passé au nettoyage fin.
Je crois que je vais développer un TOC. Alors que je suis tellement libre et indépendante dans ma tête et que j'ai toujours été CONTRE les TOC pour cette raison.
J'ai toujours cru qu'ils aimaient mieux les dépendants. Je me trompe peut être.
J'essaie des recettes de cuisine. Hier, un tagine improvisé avec les trucs du frigo et du placard.
Mon premier tagine à vie!
Vous savez. Lorsque nous sommes arrivés au Québec, j'avais presque 13 ans ou peut être 13 ans et demi. Je n'avais jamais cuisiné de ma vie. Il ne s'est pas passé une fois lors d'une rencontre ou d'une présentation, sans qu'on me dise. Ah ! Tu es marocaine, tu dois faire du maudit bon couscous. Donc je mettais mise au couscous pour ne pas décevoir mes amis/amies.
Puis il y en a qui me disaient, tu dois faire des succulents tagines d'agneau ou de mouton. Alors il se produisait ce qui était prévisible. La seule évocation des mots agneau ou mouton me donnaient la nausée. Je n'ai donc jamais essayé de cuisiner des tagines que j'associais à l'agneau ou au mouton.
Tiens même écrire les mots des deux bêtes me donne la nausée. C'est vous dire!
Si bien qu'hier, je me suis retroussée les manches, j'ai assumé mes origines de naissance et j'ai préparé un Tagine aux oignons caramélisés, aux canneberges et à la dinde.
Je ne crois pas que ça existe mais je n'avais ni raisins, ni pruneaux, ni veau, ni boeuf que j'évite, par ailleurs.
Vous voyez même le mot tagine je ne savais pas l'écrire jusqu'à ce que mon correcteur me rappelle à l'ordre.
Vous voulez savoir comment vous vous sentirez après 15 + 5 jours de confinement. Et bien.
Un peu comme moi. À délirer seule sur le mot tajine avec un g ou un j.
C'est ce que d'autres appellent revenir à l'essentiel.
À lire aussi les grands philosophes à commencer par:

OU


Ce matin, le ciel avait de la difficulté à avoir les idées claires.

Photo de Évelyne Abitbol.

Le vent dans les voiles

Jour 14 de confinement avant d’aller inutilement à l’aéroport de Malaga. Parce que j’avais suivi les instructions envoyées par courriel par l’ambassade du Canada en Espagne.


Jour 3 de confinement après avoir rebroussé chemin, en me disant que j’aurais dû écouter le Premier Ministre, Trudeau, qui nous disait de ne pas nous rendre à l’aéroport sans billet. Mon billet de retour étant pour la fin mai.






Rien. Sinon que la mer reprend encore ses droits ce matin secouée par le vent dans ses voiles.


jeudi 26 mars 2020

Milena

Jour 13 de confinement avant de partir inutilement à l'aéroport.
Jour 2 de confinement en Espagne après la course inutile vers l'aéroport.
"Deux interminables journées - le monde s'était fracturé en deux camps: chez moi et l'étranger...
... Depuis lors, je nourris une méfiance secrète envers ce que jadis je nommais le monde. Certes, j'y ai vu une foule de belles choses, une longue suite d'impressions merveilleuses, de rues, de connaissances, d'enthousiasmes - mais en quoi cela me concernait-il? Naguère, j'y avais placé toute ma confiance ; elle s'est brisée en morceaux... j'ai vu que le monde est quelque chose de continu et d'accessible, qu'il est certes plus vaste que je ne croyais, mais aussi fragmenté en journées de chemin de fer, à soixante kilomètres à l'heure en moyenne, et que dans toute cette immensité il n'offre pas le moindre refuge pour je ne sais quel recommencement, pour des vies nouvelles.


J'ai vu avec une clarté aveuglante que dans le monde il n'est qu'un seul milieu sur lequel je puisse me reposer, toi-même, mon pauvre coeur, si petit que tu tiendrais dans le creux d'une main...
... si je ne peux compter que sur moi alors plutôt mourir, ai-je dit. Si je ne peux compter que sur moi, alors tout est absurdité, stupidité, sottise."
Milena Jesenskà morte au camp de concentration Ravensbrück 1944





Il y a des gens qui regardent leur horoscope chaque jour, il y en a d'autres qui tirent une carte de tarot de Marseille ou du tarot Zen, pour orienter leur journée, ma petite folie quotidienne est d'ouvrir un livre, choisi selon mon humeur, pour lire la page ouverte au hasard. Avant-hier, je pensais à Milena Jesenskà. Une auteur inclassable. J'ai ouvert ce livre, Ma Vie, et je suis tombée exactement à la page et l'extrait que j'aurais voulu trouver.
Avant-hier, à l'aéroport, je voyais les files de gens anxieux, de personnes désagréables qui s'exprimaient avec agressivité je revoyais les images des films de la seconde guerre mondiale alors que les Juifs faisaient les files et se bousculaient parfois pour monter dans les trains vers la mort sans le savoir.
Alors qu'on leur avait fait miroiter et incités à prendre le train vers des camps de travail. Une tristesse infinie m'a envahie.
J'ai eu beaucoup de peine en y pensant. Beaucoup. Mes yeux se sont brouillés. Mon amie pensait que je me sentais mal.
Pendant que je revoyais dans ma tête ces images d'horreur tant de fois lues et vues au cinéma, à l'aéroport de Malaga, je ressentais l'anxiété des personnes qui faisaient les files alors qu'elles étaient assurés d'arriver sains et saufs à destination... ou à tout le moins peut être porteurs du virus ou malades mais entre bonnes mains.
Je nous souhaite de passer au travers de cette vilaine période avec pour réelle direction dans nos vies, notre coeur.
Prenez bien soin de vous! Je fais pareil ici à 6000 km. Et je ne bouge plus avant d'avoir de nouveau terminé, en l'espérant, ma deuxième quarantaine, avec pour compagne, l'immensité de la mer.

La Transformation

J’ai toujours aimé le silence des matins. 

Une autre page s’ouvre. 

Un café bien au chaud. 

Je me sens privilégiée. 

Je pense aux réfugiés dans les camps, aux prisonniers politiques agglutinés dans les prisons, je pense aux femmes qui accouchent en ce moment, à celles qui subissent la violence conjugale augmentée par le confinement, à leurs enfants. Je pense à vous au Québec... et à mes nouveaux compatriotes de confinement, les Espagnols et les Européens... et les autres!


La mer est déchaînée comme si, grâce au vent intense et à la réduction de GES, elle respirait enfin! Personne ici ne l’avait vue aussi grosse aussi longtemps. Elle est presque toujours comme une tache d’huile dans cette crique habituellement.

Si je m’étais écoutée, je serai à mon 12ème jour de confinement. Sans symptômes.
Là je repars à 0. Donc jour 1 - Même si je portais des gants, un masque et beaucoup / toutes les précautions précédemment décrites.


Parce que je suis allée pour rien à l’aéroport hier. Comme le suggérait l’ambassade par courriel. Dommage. Erreur!


Je ne bouge plus et je me transforme en statue de sel. 😉